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Faire de l'art, n'est-ce pas faire quelque chose qui est en dehors de l'homme et de la nature? Je veux qu'on fasse de la vie, moi; je veux qu'on soit vivant, qu'on crée à nouveau, en dehors de tout, selon ses propres yeux et son propre tempérament. Ce que je cherche avant tout dans un tableau, c'est un homme et non pas un tableau.
Il y a, selon moi, deux éléments dans une œuvre: l'élément réel, qui est la nature, et l'élément individuel, qui est l'homme. L'élément réel, la nature, est fixe, toujours le même; il existe égal pour tout le monde; je dirais qu'il peut servir de commune mesure pour toutes le œuvres produites, si j'admettais qu'il puisse y avoir une commune mesure.
L'élément individuel, au contraire, l'homme, est variable à l'infini; autant d'œuvres et autant d'esprits différents; si le tempérament n'existait pas, tous les tableaux devraient être forcément de simples photographies.
Donc, une œuvre d'art n'est jamais que la combinaison d'un homme, élément variable, et de la nature, élément fixe. Le mot réaliste ne signifie rien pour moi, qui déclare subordonner le réel au tempérament. Faites vrai, j'applaudis; mais surtout faites individuel et vivant, et j'applaudis plus fort. [...]
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Ma volonté énergique est celle-ci: - Je ne veux pas des œuvres d'écoliers faites sur des modèles fournis par les maîtres. Ces œuvres me rappellent les pages d'écriture que je traçais étant enfant, d'après les pages lithographiées ouvertes devant moi. Je ne veux pas des retours au passé, des prétendues résurrections, des tableaux peints suivant un idéal formé de morceaux d'idéal qu'on a ramassés dans tous les temps. Je ne veux pas de tout ce qui n'est point vie, tempérament, réalité!
Et, maintenant, je vous en supplie, ayez pitié de moi. Songez à tout ce qu'a dû souffrir hier un tempérament bâti comme le mien, égaré dans la vaste et morne nullité du Salon. [...]
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Jamais je n'ai vu un tel amas de médiocrités. Il y a là deux mille tableaux, et il n'y a pas trois hommes. Sur ces deux mille toiles, cinq ou six vous parlent un langage humain; les autres vous content des niaiseries de parfumeurs. [...]
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