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contemporains, ceux qui gagnent leur pain en faisant rire le public, ont fait d'Edouard Manet une sorte de bohème, de galopin, de croque-mitaine ridicule. Et le public a accepté, comme autant de vérités, les plaisanteries et les caricatures. La vérité s'accommode mal de ces pantins de fantaisie créés par les rieurs à gages, et il est bien de montrer l'homme réel. [In der Übersetzung ist hier ein Absatz eingefügt: Ich hebe also diskret den Schleier über dem Privatleben. Edouard Manet ist, im besten Sinne des Wortes, ein Mann von Welt. Vor drei Jahren hat er eine junge Holländerin, eine hochbegabte Musikerin geheiratet und lebt im Familienschoß, tief in einer glücklichen Wüste, wo die Schreie der Menge nicht immer zu ihm dringen. Dort ruht er sich, von Zuneigung umgeben und die kleinen Freuden des Lebens genießend, aus, denn der Himmel hat es gut mit ihm gemeint und hat diesen Paria nicht der Annehmlichkeiten eines Vermögens berauben wollen; der Künstler ist reich genug, um seine Rolle als Leprakranker anzunehmen und seinen Überzeugungen entsprechend zu arbeiten, ohne den Ratschlägen der Kunsthändler nachzukommen.] L'artiste m'a avoué qu'il adorait le monde et qu'il trouvait des voluptés secrètes dans les délicatesses parfumées et lumineuses des soirées. Il y est entraîné sans doute par son amour des couleurs larges et vives; mais il y a aussi, au fond de lui, un besoin inné de distinction et d'élégance que je me fais fort de retrouver dans ses œuvres. Ainsi telle est sa vie. Il travaille avec âpreté, et le nombre de ses toiles est déjà considérable; il peint sans découragement, sans lassitude, marchant droit devant lui, obéissant à sa nature. Puis il rentre dans son intérieur et y goûte les joies calmes de la bourgeoisie moderne; il fréquente le monde assidûment, il mène l'existence de chacun, avec cette différence qu'il est peut-être encore plus paisible et mieux élevé que chacun. […] La liste serait longue, si je nommais ici tous ceux que leurs maîtres ont découragés et qui sont devenus ensuite des hommes de premier mérite. "Vous ne ferez jamais rien", dit le magister, et cela signifie sans doute: "Hors de moi pas de salut, et vous n'êtes pas moi." Heureux ceux que les maîtres ne reconnaissent pas pour leurs enfants! ils sont d'une race à part, ils apportent chacun leur mot dans la grande phrase que l'humanité écrit et qui ne sera jamais complète; ils ont pour destinées d'être des maîtres à leur tour, des égoïstes, des personnalités nettes et tranchées. Ce fut donc au sortir des préceptes d'une nature différente de la sienne, qu'Edouard Manet essaya de chercher et de voir par lui-même. Je le répète, il resta pendant trois ans tout endolori des coups de férule qu'il avait reçus. Il avait sur le bout de la langue, comme on dit, le mot nouveau qu'il apportait, et il ne pouvait le prononcer. Puis, sa vue s'éclaircit, il distingua nettement les choses, sa langue ne fut plus embarrassée, et il parla. Il parla un langage plein de rudesse et de grâce qui effaroucha fort le public. Je n'affirme point que ce fut là un langage entièrement nouveau et qu'il ne contînt pas quelques tournures espagnoles sur lesquelles j'aurai d'ailleurs à m'expliquer. Mais il était aisé de comprendre, à la hardiesse et à la vérité de certaines images, qu'un artiste nous était né. Celui-là

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