de l'âme humaine doivent être subordonnées
à l'imagination, qui les met en réquisition
toutes à la fois. De même que bien connaître
le dictionnaire n'implique pas nécessairement
la connaissance de l'art de la composition, et que l'art
de la composition lui-même n'implique pas l'imagination
universelle, ainsi un bon peintre peut n'être
pas un grand peintre. Mais un grand peintre est forcément
un bon peintre, parce que l'imagination universellerenferme
l'intelligence de tous les moyens et le désir
de les acquérir.
Il est évident que, d'après les notions
que je viens d'élucider tant bien que mal (il
y aurait encore tant de choses à dire, particulièrement
sur les parties concordantes de tous les arts et les
ressemblances dans leurs méthodes!), l'immense
classe des artistes, c'est-à-dire des hommes
qui se sont voués à l'expression de l'art,
peut se diviser en deux camps bien distincts: celui-ci,
qui s'appelle lui-même réaliste, mot à
double entente et dont le sens n'est pas bien déterminé,
et que nous appellerons, pour mieux caractériser
son erreur, un positiviste, dit: "Je veux représenter
les choses telles qu'elles sont, ou bien qu'elles seraient,
en supposant que je n'existe pas." L'univers sans
l'homme. Et celui-là, l'imaginatif, dit: "Je
veux illuminer les choses avec mon esprit et en projeter
le reflet sur les autres esprits." [
]
Outre les imaginatifs et les soi disant réalistes,
il y a encore une classe d'hommes, timides et obéissants,
qui mettent tout leur orgueil à obéir
à un code de fausse dignité. Pendant que
ceux-ci croient représenter la nature et que
ceux-là veulent peindre leur âme, d'autres
se conforment à des règles de pure convention,
tout à fait arbitraires, non tirées de
l'âme humaine, et simplement imposées par
la routine d'un atelier célèbre. Dans
cette classe très nombreuse, mais si peu intéressante,
sont compris les faux amateurs de l'antique, les faux
amateurs du style, et en un mot tous les hommes qui
par leur impuissance ont élevé le poncif
aux honneurs du style.
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