III. - La reine des facultés
[
] L'artiste, le vrai artiste, le vrai poète,
ne doit peindre que selon qu'il voit et qu'il sent.
Il doit être réellement fidèle à
sa propre nature. Il doit éviter comme la mort
d'emprunter les yeux et les sentiments d'un autre homme,
si grand qu'il soit; car alors les productions qu'il
nous donnerait seraient, relativement à lui,
des mensonges, et non des réalités. [
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IV. - Le gouvernement de l'imagination
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[
] "La nature n'est qu'un dictionnaire",
répétait-il fréquemment. Pour bien
comprendre l'étendue du sens impliqué
dans cette phrase, il faut se figurer les usages nombreux
et ordinaires du dictionnaire. On y cherche le sens
des mots, la génération des mots; l'étymologie
des mots; enfin on en extrait tous les éléments
qui composent une phrase et un récit; mais personne
n'a jamais considéré le dictionnaire comme
une composition dans le sens poétique du mot.
Les peintres qui obéissent à l'imagination
cherchent dans leur dictionnaire les éléments
qui s'accordent à leur conception; encore, en
les ajustant, avec un certain art, leur donnent-ils
une physionomie toute nouvelle. Ceux qui n'ont pas d'imagination
copient le dictionnaire. Il en résulte un très
grand vice, le vice de la banalité, qui est plus
particulièrement propre à ceux d'entre
les peintres que leur spécialité rapproche
davantage de la nature extérieure, par exemple
les paysagistes, qui généralement considèrent
comme un triomphe de ne pas montrer leur personnalité.
A force de contempler, ils oublient de sentir et de
penser.
Pour ce grand peintre, toutes les parties de l'art,
dont l'un prend celle-ci et l'autre celle-là
pour la principale, n'étaient, ne sont, veux-je
dire, que les très humbles servantes d'une faculté
unique et supérieure.
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[
] Tout l'univers visible n'est qu'un magasin
d'images et de signes auxquels l'imagination donnera
une place et une valeur relative; c'est une espèce
de pâture que l'imagination doit digérer
et transformer. Toutes les facultés
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