pas le mot. Je prétends que cette toile est
véritablement la chair et le sang du peintre.
Elle le contient tout entier et ne contient que lui.
Elle restera comme l'uvre caractéristique
de son talent, comme la marque la plus haute de sa puissance.
J'ai lu en elle la personnalité d'Edouard Manet,
et lorsque j'ai analysé le tempérament
de l'artiste, j'avais uniquement devant les yeux cette
toile qui renferme toutes les autres. Nous avons ici,
comme disent les amuseurs publics, une gravure d'Epinal.
Olympia, couchée sur des linges blancs, fait
une grande tache pâle sur le fond noir; dans ce
fond noir se trouve la tête de la négresse
qui apporte un bouquet et ce fameux chat qui a tant
égayé le public. [...] Le corps lui-même
de l'enfant a des pâleurs charmantes; c'est une
jeune fille de seize ans, sans doute un modèle
qu'Edouard Manet a tranquillement copié tel qu'il
était. Et tout le monde a crié: on a trouvé
ce corps nu indécent; cela devait être,
puisque c'est là de la chair, une fille que l'artiste
a jetée sur la toile dans sa nudité jeune
et déjà fanée. [In der Übersetzung
ist hier ein Absatz eingefügt: Uns werden nicht
mehr die schönen üppigen Frauenkörper
dargeboten, die die Maler des 15. Jahrhunderts abmalten.]
Lorsque nos artistes nous donnent des Vénus,
ils corrigent la nature, ils mentent. Edouard Manet
s'est demandé pourquoi mentir, pourquoi ne pas
dire la vérité; il nous a fait connaître
Olympia, cette fille de nos jours, que vous rencontrez
sur les trottoirs et qui serre ses maigres épaules
dans un mince châle de laine déteinte.
Le public, comme toujours, s'est bien gardé de
comprendre ce que voulait le peintre; il y a eu des
gens qui ont cherché un sens philosophique dans
le tableau; d'autres, plus égrillards, n'auraient
pas été fâchés d'y découvrir
une intention obscène. Eh! dites-leur donc tout
haut, cher maître, que vous n'êtes point
ce qu'ils pensent, qu'un tableau pour vous est un simple
prétexte à analyse. Il vous fallait une
femme nue, et vous avez choisi Olympia, la première
venue; il vous fallait des taches claires et lumineuses,
et vous avez mis un bouquet; il vous fallait des taches
noires, et vous avez placé dans un coin une négresse
et un chat. Qu'est-ce que tout cela veut dire? vous
ne le savez guère, ni moi non plus. [...]
III. Le publique
[...]
[
] L'artiste commence à se lasser de son
métier d'épouvantail; malgré tout
son courage, il sent les forces lui échapper
devant l'irritation publique. Il est temps que la foule
s'approche et se rende compte de ses terreurs ridicules.
D'ailleurs, il n'a qu'à attendre. La foule, je
l'ai dit, est un grand enfant qui n'a pas la moindre
conviction et qui finit toujours par accepter les gens
qui s'imposent. L'histoire éternelle des talents
bafoués, puis admirés jusqu'au fanatisme,
se reproduira pour Edouard Manet. [
]
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