l'éternel pourquoi se dressa, comme d'habitude,
inévitablement au bout de ces décourageantes
réflexions. [
] Je me disais donc: Jadis,
qu'était l'artiste (Lebrun ou David, par exemple)?
Lebrun, érudition, imagination, connaissance
du passé, amour du grand. David, ce colosse injurié
par des mirmidons, n'était-il pas aussi l'amour
du passé, l'amour du grand uni à l'érudition?
Et aujourd'hui, qu'est-il, l'artiste, ce frère
antique du poète? Pour bien répondre à
cette question, mon cher M***, il ne faut pas craindre
d'être trop dur. Un scandaleux favoritisme appelle
quelquefois une réaction équivalente.
L'artiste, aujourd'hui et depuis de nombreuses années,
est, malgré son absence de mérite, un
simple enfant gâté. Que d'honneurs, que
d'argent prodigués à des hommes sans âme
et sans instruction! [
]
L'enfant gâté a hérité du
privilège, légitime alors, de ses devanciers.
L'enthousiasme qui a salué David, Guérin,
Girodet, Gros, Delacroix, Bonington, illumine encore
d'une lumière charitable sa chétive personne;
et, pendant que de bons poètes, de vigoureux
historiens gagnent laborieusement leur vie, le financier
abêti paye magnifiquement les indécentes
petites sotises de l'enfant gâté. [
]
Discrédit de l'imagination, mépris du
grand, amour (non, ce mot est trop beau), pratique exclusive
du métier, telles sont, je crois, quant à
l'artiste, les raisons principales de son abaissement.
Plus on possède d'imagination, mieux il faut
posséder le métier pour accompagner celle-ci
dans ses aventures et surmonter les difficultés
qu'elle recherche avidement. Et mieux on possède
son métier, moins il faut s'en prévaloir
et le montrer, pour laisser l'imagination briller de
tout son éclat. [
]
II. - Le public moderne et la photographie
[
]
Dans ces jours déplorables, une industrie nouvelle
se produisit, qui ne contribua pas peu à confirmer
la sottise dans sa foi et à ruiner ce qui pouvait
rester de divin dans l'esprit français. Cette
foule idolâtre postulait un idéal digne
d'elle et approprié à sa nature, cela
est bien entendu. En matière de peinture et de
statuaire, le Credo actuel des gens du monde, surtout
en France (et je ne crois pas que qui que ce soit ose
affirmer le contraire), est celui-ci: "Je crois
à la nature et je ne crois qu'à la nature
(il y a de bonnes raisons pour cela). Je crois que l'art
est et ne peut être que la reproduction exacte
de la nature (une secte timide et dissidente veut que
les
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