Telle est, en soi; la tentative, toute la tentative
des impressionnistes.
Maintenant que vaut cette nouveauté? Constitue-t-elle
une révolution? Non, puisque le fond et dans
une grande mesure la forme de l'art demeurent les mêmes.
Prépare-t-elle l'avènement d'une école?
Non, puisqu'une école vit d'idées et non
de moyens matériels, se distingue par ses doctrines
et non par ses procédés d'exécution.
Si elle ne constitue pas une révolution et si
elle ne contient le germe d'aucune école, qu'est-elle
donc? Une manière et rien de plus. Le non fini,
après Courbet, après Daubigny, après
Corot, on ne peut pas dire que les impressionnistes
l'aient inventé. Ils le vantent, ils l'exaltent,
ils l'érigent en système, ils en font
la clef de voûte de l'art, ils le mettent sur
un piédestal et ils l'adorent; voila tout. Cette
exagération, c'est une manière. Et les
manières en art, quel est leur sort? C'est de
demeurer le propre de l'homme qui les invente ou de
la petite chapelle qui les accueille; c'est de ce circonscrire
au lieu de s'étendre; c'est de s'immobiliser
sans se reproduire et de périr bientôt
sur place.
Avant peu d'années, les artistes aujourd'hui
groupés au boulevard des Capucines seront divisés.
Les plus forts, ceux qui ont de la race et du sang,
auront reconnu que, s'il est des sujets qui s'accommodent
de l'état d'impression, se contentent des dehors
de l'ébauche, il en est d'autres et en bien plus
grand nombre, qui réclament une expression nette,
demandent une exécution précise; que la
supériorité du peintre consiste précisément
à traiter chaque sujet suivant le mode qui lui
convient, par conséquent à n'être
point systématique et à choisir hardiment
la forme qui doit dernier tout son relief à l'idée.
Ceux-là, qui chemin faisant auront perfectionné
leur dessin, laisseront là l'impressionnisme,
devenu pour eux un art véritablement trop superficiel.
Quant aux autres, qui, négligeant de réfléchir
et d'apprendre, auront poursuivi l'impression à
outrance, l'exemple de M. Cézanne (Une moderne
Olympia) peut leur montrer dès à présent
le sort qui les attend. D'idéalisation en idéalisation,
ils aboutiront à ce degré de romantisme
sans frein, où la nature n'est plus qu'un prétexte
à rêveries, et où l'imagination
devient impuissante à formuler autre chose que
des fantaisies personnelles, subjectives, sans écho
dans la raison générale, parce qu'elles
sont sans contrôle et sans vérification
possible dans la réalité.
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