Quelle 3: Jules-Antoine Castagnary: Exposition du
boulevard des Capucines: Les Impressionnistes,
in: Le Siècle, 29. April
1874.
[...] Cette explosion inattendue [d'expositions], sollicitant
l'attention de tant de côtés à la
fois, nous obligera de restreindre nos développements;
mais, comme par le passé, nous laisserons la
grande place aux artistes qui vivent et se tiennent
au cur de l'action. Quel que soit l'intérêt
qui s'attache à des personnalités comme
celles de Prudhon et de Chintreuil, quelles que soient
l'importance et la beauté des chefs-d'uvre
accumules au corps législatif, il est une chose
qui touche plus directement notre Patriotisme: c'est
de savoir comment se gouverne la capacité productive
de la France. Cette source jaillissante, qui depuis
la Révolution sort des entrailles de notre peuple,
et, coulant suivant des pentes diverses, a produit sans
interruption l'école classique, l'école
romantique, l'école naturaliste, se soutient-elle
dans son ampleur féconde ou bien s'appauvrissant
menace-t-elle de défaillir? C'est le point capital,
sur lequel seules les uvres de nos artistes vivants
pourront nous répondre.
Commençons par l'exposition du boulevard des
Capucines.
Il y a quelques années, le bruit se répandit
dans les ateliers qu'une nouvelle école de peinture
venait de naître. Quel était son objet,
sa méthode, son champ d'observation? En quoi
ses produits se distinguaient-ils de ceux des écoles
précédentes, et quelle force apportait
elle à l'actif de l'art contemporain? Il fut
tout d'abord difficile de s'en rendre compte. Les membres
du jury, avec leur intelligence accoutumée, prétendaient
barrer le chemin aux nouveaux venus. Ils leur fermaient
la porte du Salon, leur interdisaient l'entrée
de la publicité, et, par toutes les sortes voix
dont l'égoïsme, l'imbécillité
ou l'envie disposent en ce monde, ils s'efforçaient
de les livrer à la risée.
Persécutés, chassés, honnis, mis
au ban de part officiel, les prétendus anarchistes
se groupèrent. Durand-Ruel, que les préjugés
administratifs ne troublent pas, mit une de ses salles
à leur disposition, et, pour la première
fois, le public put apprécier les tendances de
ceux qu'on appelait, je ne sais pourquoi, les Japonais
de la peinture. Depuis lors, le temps a marché.
Forts d'un certain nombre d'adhésions nouvelles,
encouragés par d'importants suffrages, les peintres
dont nous parlons se sont constitués en société
coopérative, ont loué l'ancien local de
l'atelier Nadar, au boulevard des Capucines; et c'est
là, dans un domicile à eux et arrangé
par leurs mains, qu'ils viennent d'organiser leur première
exposition, celle-là même dont nous voulons
entretenir nos lecteurs. [...]
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