M. Kiörböe est un de ces anciens et fastueux
peintres qui savaient si bien décorer ces nobles
salles à manger, quon se figure pleines
de chasseurs affamés et glorieux. La peinture
de M. Kiörböe est joyeuse et puissante, sa
couleur est facile et harmonieuse. - Le drame du Piège
à loup ne se comprend pas assez facilement, peut-être
parce que le piège nest pas tout à
fait dans la lumière. Le derrière du chien
qui recule en aboyant nest pas assez vigoureusement
peint.
M. Saint-Jean, qui fait, dit-on, les délices
et la gloire de la ville de Lyon, nobtiendra jamais
quun médiocre succès dans un pays
de peintres. Cette minutie excessive est dune
pédanterie insupportable. - Toutes les fois quon
vous parlera de la naïveté dun peintre
de Lyon, ny croyez pas. - Depuis longtemps la
couleur générale des tableaux de M. Saint-Jean
est jaune et pisseuse. On dirait que M. Saint Jean na
jamais vu de fruits véritables, et quil
ne sen soucie pas, parce quil les fait très
bien à la mécanique: non seulement les
fruits de la nature ont un autre aspect, mais encore
ils sont moins finis et moins travaillés que
ceux-là.
Il nen est pas de même de M. Arondel, dont
le mérite principal est une bonhomie réelle.
Aussi sa peinture contient-elle quelques défauts
évidents; mais les parties heureuses sont tout
à fait bien réussies; quelques autres
sont trop noires, et lon dirait que lauteur
ne se rend pas compte en peignant de tous les accidents
nécessaires du Salon, de la peinture environnante,
de léloignement du spectateur, et de la
modification dans leffet réciproque des
tons causée par la distance. En outre, il ne
suffit pas de bien peindre. Tous ces Flamands si célèbres
savaient disposer le gibier et le tourmenter longtemps
comme on tourmente un modèle; il fallait trouver
des lignes heureuses et des harmonies de tons riches
et claires.
M. P. Rousseau, dont chacun a souvent remarqué
les tableaux pleins de couleur et déclat,
est dans un progrès sérieux. Cétait
un excellent peintre, il est vrai; mais maintenant il
regarde la nature avec plus dattention, et il
sapplique à rendre les physionomies. Jai
vu dernièrement, chez Durand-Ruel, des canards
de M. Rousseau qui étaient dune beauté
merveilleuse, et qui avaient bien les murs et
les gestes des canards.
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