Charles
Yriarte
Exposition des Beaux-Arts
Le monde illustré, 2. Juni 1866
Une
ménagerie
La toile de M. Meyerheim, que nous donnons dans le numéro, est
un des succès du Salon; elle est bien conçue, bien dessinée
et bien peinte. Le peintre berlionois a débuté à
Paris par un succès réel et sérieux. La nature du
sujet est peut-être pour quelque chose dans l’intérêt
qu’a suscité cette composition, mais tout le monde y triouve son
compte, car jamais animalier n’a peint d’une main plus preste et plus
habile un lion, un singe, un boa et un ara comme ceux qui figurent dans
cette ménagerie.
Les types sont très-bien rendus; le jury a donné une médaille
à cette toile, et nous applaudissons à cette décision.
Fouilles
à Pompéi
M. Sain, connu dans les arts pour sa passion pour les ramoneurs, qu’il
a peints dans leurs épanchements intimes, a donné cette
année une toile que lui a inspiré un long séjour
en Italie. Il a vu les fouilles en artiste et cherché dans les
habitantes de Castellamare et Pompéi le caractère et le
type des fresques qu’il avait vues au Museo Borbonico. C’est élevé
et serré d’exécution; il y a une grande noblesse dans les
types. C’est encore une des médailles du Salon; on voit que notre
choix portait just.
Au
fil de l’eau
Celui-ci est un jeune peintre, un débutant dont nous avons choisi
l’oeuvre parce qu’elle est empreinte d’une certaine rêverie qui
concordait avec une harmonie et une grande richesse de ton. Au fil de
l’eau, cela ne se raconte pas; ce n’est pas à proprement parler
un sujet, et pourtant il se dégage de là une grande poésie.
M. Aufray n’a pas été médaillé, mais ce sont
cependant d’heureux débuts.
Nous publierons successivement une série assez nombreuse des toiles
qui ont figuré à l’Exposition, afin de donner toujours au
public de la province et de l’étranger une idée des meilleurs
tableaux. Nous avons tout fait pour donner le paysage de Courbet,
mais nous nous sommes heurtés devant des idées très-arrêtées
d’un éditeur qui s’Est rendu acquéreur du droit de reproduction
et a craint que notre gravure fît tort à sa vente, ce qui,
évidemment, eût été, au contraire, pour lui,
la plus belle des réclames.
M. Théophile Gautier fils, continue son travail, nous ne faisons
qu’épiloguer en quelques mots sur les toiles que nous reproduisons,
nous nous bornons à recommander à notre excéllent
confrère quelques tableaux que nous aurions voulu graver et que
nous sommes obligés de sacrifier aux graves préoccupations
du moment.
En première ligne M. Tourny, un pris de Rome, qui figure au Salon
avec Saint Bonaventure montrant le Christ à saint Thomas d’Aquin,
comme source de toute onction, et une Jeune Italienne jouant du tambourin.
Le saint Bonaventure est une oeuvre, il y a là une sincérité
et une foi qui fixent le passant et l’arrêtent. La jeune Italienne
est un gracieux modèle qui sourit dans son cadre d’or.
Nous avons vu aussi, signés du même nom, un Enfant offrant
des fleurs à la madone, et des Enfants pauvres qui révèlent
chez Mme Tourny, l’auteur de ces deux toiles, un grand sentiment du ton.
Nous signalons aussi M. Fischer (un Conteur breton). Mais M. Fischer a
un nom en peinture et notre critique d’art ne l’oubliera pas – M. Vanutelli,
dont nous avons, l’an dernier, reproduit une Intrigue à Venise,
a envoyé la Fiancée du Cantique de cantiques, oeuvre pleine
de charmes, ingénieuse d’arrangement avec un grand sentiment de
lignes, l’aspect général est peut-être un peu sourd.
Ne passez pas non plus devant la salle des P. sans chercher une Tête
de vieille femme, signéeMarthe Parrat. Il y a là un peintre
et une recherche dans le modèle, qui, n’en déplaise au sexe
faible, n’est pas son exclusif apanage.
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